Bog

Posté le 12 mai 2007 par calamean

J’espère ne pas avoir le menton qui s’affaisse, la lèvre inférieure tombante. J’espère que je sais garder mes deux lèvres le plus souvent l’une près de l’autre. J’ai horreur de ces visages dont on ne voit que la béance de leur appareil masticatoire. De ces bouches obscènes ne peuvent naitre que des borborygmes. Paroles en plâtre, certainement pas immaculées de glaires pâteuses. J’ai la certitude que la convergence de leurs regards suit le chemin de leurs haleines, qui heureusement pour nous ne va jamais loin.

Je ne me reconnais pas dans leurs visages et pourtant je suis une bouche béante parmi les autres. Nous avons tous nos musiques de fond, nos lubies profondes. Les villes romaines étaient faites d’allées parallèles, les States de blocks, les grandes villes ont leurs grattes ciels, les anciennes leurs cathédrales. On change les flèches avec la religion d’état. Ça n’empêche pas qu’il peut y avoir des paratonnerres, des gryphons, des grimoires. Ça n’empêche pas non plus qu’il peut y avoir des transepts, des travées, des entraves.

J’ai parfois l’impression d’avoir les pieds à a surface d’un bog de la région de Dartmoor. Un souvenir vague de mon enfance. J’ai toujours essayé de rendre ce séjour impérissable. On m’avait dit que sous ces peaux tendues, s’écoulait des flux souterrains tumultueux, s’engouffrant dans la tourbe et déchirant les massifs calcaires. Cette même eau, qui sortait brunâtre de bien des robinets anglais, que je buvais avec méfiance au prime abord et dont ensuite je me gorgeais. J’étais conscient que cette eau colorée, minéralisée, avait emprunté bien des chemins avant d’arriver aux commissures de ces embouchures rectangulaires actionnée par des robinets comme des barres à roues chromées.

J’étais un bog. J’étais le parcourt d’une eau tumultueuse. Je me reconnaissais sur ces surfaces que d’autres évitaient d’une peur circonspecte. Alors je m’allongeais contre cette frontière ténue. La paroi transpirait l’eau sur mes habits, et j’entendais le flot assourdi sous moi. J’étais souvent dans la brume et les mottes d’herbes grasses affleuraient irrégulièrement comme des moutons étranges. Allongé j’étais hors de la terre. Les yeux fermés, je plongeais dans les entrailles moites d’un monde emmêlé et passionnant.

Je tendais mon corps, j’écartais mes membres, j’imitais l’étoile de mer, j’avais pourtant des Converses verte, affreusement pénible à supporter. L’avantage du bog par rapport au trampoline, tient en ce que ses bords sont très difficilement discernables, et que le choc ne peut pas exister. Au pire on peut être aspiré, mais l’on n’est jamais réellement expulsé : le bog digère, le trampoline rejette.

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Dans les nues

Posté le 25 avril 2007 par zatoichi doudou

Je suis las et dans la rue, je chemine sur un parterre bosselé. J’imagine sans mal les aspérités sous la semelle de mes chaussures. Je suis habillé de vêtements légers. J’appuie sur mon pied gauche, mon corps s’élève, tandis que mes articulations se tassent. Je balance mon corps en avant. Je sens ma colonne vertébrale se détendre, mes côtes saillirent sous le tissu qui me frôle. Je projette mon genou droit. Je tire mon pied vers l’avant. Je frôle le sol assez longuement pour faire perdurer le déséquilibre.
Je suis entre deux pas, entre deux pieds. Je suis dans l’instant infime qui scinde, exactement dans son milieu, la cinétique d’une enjambée. Mon corps ne subit plus aucun choc, plus aucune tension. Mon pied gauche se met à frôler le sol à son tour. Je suis en apesanteur. Il m’a fallu 27 années d’existences pour découvrir intimement mon déracinement poly-quotidien. Plusieurs centaines de fois par jour, je ne prends plus d’appuis sur la surface terrestre.
Le pied droit se saisit du sol. Je suis ancré à nouveau. J’attends le moment où ma jambe sera tendue à la verticale de son point de contact. Je suis droit, verticale. Mon corps repose entièrement sur ma voûte plantaire, elle-même en appuis sur les semelles de gommes de ma chaussure reposant sur la chaussée. Je suis écrasé intimement contre la surface terrestre à travers un contact de translations. Je pèse plus que mon poids au repos : mon mouvement est dans une phase dynamique, transitoire.
Je passe mon temps, alors que je marche, à comprimer puis détendre : ma voûte plantaire, mon corps entier, jusqu’à l’extrémité de mes cheveux, de ma pilosité qui ondule à la manière des algues soumises aux courants. Je passe mon temps, alors que je marche, à imprimer le poids de mon corps sur la surface qui m’intercepte. J’échappe au contact entre deux pas. Je suspends mon corps, mes pas, mes pensées. Je ne médite pas. Je marche.
J’ai un objectif. M’éloigner du bureau de vote. Pour aller je ne sais où. Je ne suis plus le même. Je change d’instant en instant. Je subis ma physiologie, mon illogisme physique. J’appuie mes pensées sur les bords de ma compréhension. Ça me rend triste. Je suis impuissant : je connais trop ces bords infranchissables. Les trottoirs sont sombres et éclaircis par les pierres formant les caniveaux. Je vois fiché, dans les pavés ternes, ces clous brillants et je m’imagine en appui sur la pointe d’un pied.
Je repousse mes bords limites. Devant le métro aérien, un carrefour, des rideaux cramoisis. Je tourne de la pointe d’un pied sur un clou. Je m’envole en spiralisant de mon corps. Je retombe sur un clou aléatoire. Je vrille mon corps comme le torchon à salade qu’on essore une fois la salade arrosée. Je commence du bas des pieds et mon corps se ceint jusqu’à l’occiput. Je m’arrache jusqu’au prochain clou. Je me dévrille en sens inverse et rebondit vers un autre clou. Je suis un danseur, un derviche tourneur. Je vrille mes perceptions pour atteindre plus vite un sens que je n’atteins pas.
J’entends les klaxons des voitures, on me saisit encore le bras. Plus fermement cette fois-ci. Je suis dégrisé. Je reprends mon souffle, abandonné sur le trottoir qui me mène. Il pleut des gouttes de sueurs. J’ai froid.

Nouvelles…

Posté le 21 avril 2007 par zatoichi doudou

Des journées limpides. La sustentation des aérosols venait parfois perturber le ciel acier, normalisant le grisâtre perceptible de ce plafond toujours trop bas pour moi. Depuis tout petit, j’avais compris qu’un jour le ciel finirait par me tomber sur la tête. Moi le premier bien entendu. J’étais sensible à ce décor envahissant qui meublait notre quotidien. Autour de moi tout semblait confondre ce soupçon. La vie humaine n’avait aucune valeur-, on écrasait, tuait, broyait, bombardait, pulvérisait, éclatait sans condition mes semblables. J’étais épargné, je n’épargnais pas, mais je m’épargnais.

J’étais conscient de mon centrisme sans parallèle, de ma longue vue à courte portée nombriliste. Mon regard s’escrimait à ne jamais dépasser le bout de mon nez : je ne voyais aucun intérêt à aller plus loin. L’autre est différent, autant se connaitre soi-même, essentiellement soi-même. Je n’ai jamais vraiment fini de m’étonner. Je suis mon sujet d’étude, je suis mon étalon, je suis à ma mesure. Certes, d’autres pourront dire que je perturbe mon analyse : étant tour à tour sujet d’expérience, puis outil de mesure, puis analyste. Je dessine avant tout les pôles distendus de mon infini personnel. J’en suis arrivé à me qualifier d’extrapôlateur, néologisme de mon cru à l’origine de ma totale compréhension de moi-même. L’extrapôlateur pouvant être défini de manière extrêmement synthétique par son écriture. Ecrit régit par la constations suivante : est parfaitement compréhensible pour l’extrapôlateur ce qui ne l’est pas pour vous…

Je ne suis pas un éternel retour à moi : je me confronte viscéralement à moi-même. Je suis en constante opposition personnel, opposition qui m’amène souvent à ne plus vraiment me reconnaitre. Je suis multiple en moi-même. Je m’étouffe de mon sujet, mais j’en éprouve un certain plaisir. J’irais jusqu’à parler d’une jouissance s’approchant de la sensation d’asphyxie physique que j’éprouve alors que je force sur le siège de ma conscience. J’habite au fond de moi-même. Autant dire tout près de moi.

J’ai les yeux clos et je sens tes allez-venus, petit à petit vos allez-venus. Vous bruissez en moi. J’ai les yeux ouverts et mon horizon sait pourtant ne pas être perturbé. Je suis seul face à un continuum lointain, tendu, comme un rideau de théâtre. J’imagine des marionnettes sur fond de perceptions cérébrales. Je pense à Dorian Gray et je me dis, qu’après tout, son tableau n’était vraiment pas terminé. Moi, j’aurais été au paroxysme d’une vie d’éternité, mon autoportrait tendrait vers une perfection ultime : il ne peut-être que le chef d’œuvre absolu.

Digression mise à part, je vous sens bruire autour de moi, vous n’avez rien du règne végétal, vous vous mêlez au froissement minéral de papiers que l’on plie, ou que l’on range dans de petites enveloppes. Je vois vos pas comptés comme les miens dans cet espace clos. J’ai pris appuis sur le vieux pupitre collégien et j’essaye un Bic, machinalement, sur le bois, usé. J’écris : eXtrApÔlAteUr, je graphitite, je gribouille, je m’escrime au sabre Bic. J’entends un toussotement léger, j’ai de l’encre sur les doigts, une encre gluante, morte. Je m’entends toussoter. Un toussotement semblable à celui que j’ai initialement entendu. Autour de moi, derrière, le rideau bleu ondulé, froissé : je vois écris, sur le bois scolaire, extrapôlateur. J’ai la sensation d’avoir une écharde sur le tranchant de la main gauche. J’ai fait tomber des feuillets.

Je ne m’ennuie pas dans mon isoloir : je suis chez moi. Je ferme les yeux. Je les rouvre subitement et les referme immédiatement, c’est un peu comme la mer à perte de vue, ce tissu bleu roi. J’ai toujours imaginé mon esprit comme un océan sans bord et mes pensées comme des colorants, mes sensations comme des oscillations qu’on appelle vagues. Les crêtes d’écumes et les vents sont mon appétit marin. Je vacille un peu et je m’appuie sur les rideaux qui s’effondrent devant moi. Je m’étale de tout mon long dans la salle bondée. C’est vraiment subit.

Il est midi quarante, c’est là où s’accroche mon regard désespéré. Les aiguilles sont au-dessus d’une des urnes qui ne sont plus le sujet d’intérêt de l’endroit. Je prends le premier petit papier à ma portée. Je lis : José Bové. Je remarque que les fentes ténues de la boite sont munies de mâchoires. Je n’avais pas bien regardé, je trouve ça triste. J’ai le temps de me dire que les urnes françaises n’incitent pas au vote. Le silence se fait pesant, même pas une musique officielle, une petite marseillaise revigorante, une bourrée bien de chez nous, un air en trainant. Rien que ces boites alignées, ternes, non transparentes. J’imaginais, maintenant, devant moi des boites pleines de la magie électronique : façade plasma tactile avec la tête des candidats, leurs différents sourires de démarcheurs de cinémas, qui défilent, leurs rictus sauvage de futur vainqueurs pour cinq ans. Et de grandes flèches brillantes pointant vers la bouche tirée, rigide, inexpressive.

Je me vois alors crier : « Voilà ce que c’est que de voter : ça vous fait tomber à la renverse ». Les regards croisent à mon endroit. Je suis sur le dos comme une tortue, les quatre membres en l’air. Mon rire mal à l’aise. Je roule un peu sur le coté. Mon rire mal à l’aise. Je pointe mon postérieur et j’appuie sur le sol avec mes deux mains. Je me redresse. Je sens qu’on m’aide à relever. J’ai des ailes dans le dos. Mon rire mal à l’aise. (« Merci, ça va »). Je reprends ma respiration. Je brandis le petit bout de papier, enfin le seul qui ne s’est pas échappé dans ma chute. Et je crie sans gêne, j’ai respiré juste avant : « C’est pour lui que je vote ». José Bové… Pas mal comme choix : il va faire un bon score ici (il y a déjà moi qui vote). J’agite le bulletin. Les votants sont myopes ?

Je me dirige vers l’urne fermement. Derrière l’urne une française aussi terne que l’urne. Un serre-tête, une robe à smoke, je dirais plutôt le genre sac Tati les jambes ternit par des bas grisâtres et de l’or fade aux poignets aux oreilles sur le poitrail. « A voté » comme à la messe, républicaine : c’est pas certain. En tous cas je dénote une véritable symbiose entre l’urne et la manipulatrice.Personne n’a l’audace de m’interrompre. José Bové est dans l’urne et dans mon dos alors que je quitte la salle.

Dimanche de vote. Je me suis trouvé très bon.

Du charme “discret” de la bourgeoisie

Posté le 5 mars 2007 par zatoichi doudou


Personne ne reconnaît notre Brigitte nationale (private joke qui fera bien rire Papa…).

Repas en avance, décalage dans le restaurant, le salon de thé, mise en cène de la table, rêve répétés, mise en abîmes complexes. Le tout pour servir la mise en scène et une intelligente critique de la bourgeoisie à la française.

En arrière plan la république de Miranda et de son représentant Don Rafael : son appétit (bien entendu sexuel), partagé aussi par son oposé féminin : Madame Sénéchal. Le sucre souriant de la valise diplomatique comme un sac de marin option Cartier…

P.S. : Le Charme Discret de la Bourgeoisie est réalisé par Luis Bunuel en 1971

Le loups des (st)Hesse(s)

Posté le 4 mars 2007 par zatoichi doudou

Le loup des steppes à bien des facettes qu’il ne connait pas lui même. Juste avant ce passage, il repart dans le dédale du théâtre plusieurs de ses figurines de jeux en poche.

Et la fleur dans tout ça? Elle est pour tous ceux que j’aime!

Microfictions

Posté le 27 février 2007 par zatoichi doudou

Sur le quatrième de couverture, on peut lire : “Je est tout le monde et n’importe qui.”

Deux pages suffisent aux 500 fictions de l’ouvrage. Je suis conquis…

Clichés sur Zinc, à ne pas confondre avec les clichés au coin du zinc…

Posté le 27 février 2007 par zatoichi doudou

Une pensée délicatement métallique pour Vincent qui peut-être un jour trempera ses clichés dans un bain d’hyposulfite, clichés qu’il laissera ensuite “séjourner” dans le bain de fixage jusqu’à ce que la couche opaline de bromure d’argent ait complètement disparu. (c’est l’alchimie poétique du tirage photographique qui est ici révélé, non?)

Livre glaner aujourd’hui même, accompagné d’un LP de Fela Anikulpo Kuti titré Black President…

Quelques mots entendu sur Noureev (Nouriev, Noureiev), une émission lui était consacré : enfant danseur, capricieux, malade à la fin de sa vie atteint du cancer des gays (terme des années 80…). Il n’a jamais été rien de tout cela, mais apesanteur et recroquevillement, pesanteur et déploiement.

La vie rêvée des plantes…

Posté le 14 février 2007 par zatoichi doudou

Aux éditions Zulma (édité sous seuil), un livre de l’auteur Coréen Lee Seung-U. La couverture m’attirait.

La torpeur asiatique est bien présente et je deviens photographe malgré moi en lisant les pages qui tournent d’elles même.

La vie rêvée des plantes m’a appris à saisir les feuilles rêches…

Tarte Tatin

Posté le 14 février 2007 par zatoichi doudou

Une délicieuse tarte tatin… Avec plein plein plein de caramel…

Non ce ne sont pas des vers de terre ou des larves…

Toi lecteur, toi seul peut lire l’auto dérision de la cuisinière…

Great music…

Posté le 6 février 2007 par zatoichi doudou



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